Appel
À la suite du colloque « Violences et médias » qui s’est tenu à l’ICP les 1er et 2 juin 2023, l’équipe de recherche « Médias, images et technologies » du Pôle Cultures et Humanités (UR « Religion, culture et société, EA 7403) organise un colloque intitulé « Captation, circulation et effets des images de guerres, conflits et émeutes ».
Ce colloque porte sur les conditions de production, de mise en circulation et de réception des images de guerres, conflits ou émeutes. Il s’intéresse à la concurrence et/ou à la complémentarité entre les images émanant des autorités politiques, sécuritaires et militaires, les images médiatiques (AFP, presse, télévision, etc.) et les images captées et diffusées par les acteurs sociaux (citoyens, groupes militants, etc.). La perspective est interdisciplinaire. En ce sens, les propositions de communications peuvent venir d’historiens, géographes, politistes, sociologues, de chercheurs en études cinématographiques ou encore en sciences de l’information et de la communication.
La question mise au centre de ce colloque est celle des équilibres médiatiques entre le rôle prescripteur des représentations visuelles émanant des autorités et la distance critique permise par des représentations concurrentes et néanmoins complémentaires provenant de la sphère publique (production d’images originales rendue possible par les appareils photo grand public ou les smartphones, réexploitation critique ou détournée d’images officielles ou de ressources visuelles en accès ouvert, etc.). Les contextes de guerres, de conflits ou d’émeutes sont porteurs de logiques de propagande et de jeux d’influence dans lesquelles les images occupent une place centrale ; s’y ajoutent des conditions de captation, de diffusion et de réception caractérisées par le fait que l’intégrité morale et physique des acteurs des conflits et des populations peut être atteinte, les enjeux stratégiques menacés et que des territoires ou des environnements peuvent être durablement stigmatisés.
Dans ces contextes particuliers, toutes les images peuvent donc potentiellement aider à comprendre et informer, mais leur exploitation, comme leur insertion dans des récits, on l’aura compris, n’est jamais totalement neutre. Les images sont dotées d’une dimension stratégique qui se trouve renforcée dès lors qu’elles rendent compte de situations conflictuelles ou de rapports de forces.
Après une première période de démultiplication des représentations de la guerre, des conflits ou des émeutes permises tout au long des 19e et 20e siècles par la diffusion des appareils photographiques, puis des caméras, la montée des technologies numériques et d’internet a conduit à un accroissement exponentiel des prises de vue en tout genre provenant notamment de la sphère amateure et favorisée par les smartphones. Ces prises de vue impliquent une forme de mise en scène du conflit ou des affrontements, de ses acteurs et de son paysage. L’espace médiatique s’est ainsi vu saturé d’images ces dernières années, l’obligeant à se reconfigurer par étapes, passant d’une gestion et d’une exploitation de clichés produits par des professionnels seulement concurrencés par quelques autres acteurs à la nécessité de gérer un flux massif et continu d’images devant, en outre, conduire à de nouvelles pratiques de vérification ou d’analyse des données.
Axes
Ce colloque se propose de développer trois axes d’analyse :
- Comment et par qui sont captées, diffusées et utilisées les images de guerres, conflits et émeutes ? Cet axe tentera d’analyser la circulation de ces images en prenant en compte un contexte médiatique large : les avancées techniques et la professionnalisation du reportage visuel permettent une production exponentielle d’images et une multiplication des points de vue qui sont allés croissants tout au long des 19e, 20e et 21e siècles. Progressivement, des représentations cinématographiques ou télévisuelles ont vu le jour, médiatisant des terrains de guerre et nourrissant les imaginaires, contribuant à la formation et à la diffusion de topoï paysagers des conflits, jusqu’à la profusion récente d’images documentaires produites par les populations elles-mêmes. Les conflits et les guerres, à toutes les échelles et dans le temps long, ont été ainsi représentés par un nombre de plus en plus important d’images, définissant un ensemble aux facettes multiples et complexes.
- Comment se positionnent les autorités politiques, sécuritaires ou militaires face à la prolifération croissante des images au cours de l’histoire ? Les autorités fabriquent elles-mêmes des images ou reprennent à leur compte des images que d’autres ont captées et éventuellement diffusées pour les insérer dans des récits qui se veulent prescripteurs. Ces images trouvent leur place dans les médias, mais aussi dans le cadre scolaire, par exemple, où elles sont utilisées pour illustrer et expliciter des conflits ou des situations de violences (révolutions, manifestations, etc.). L’objectif de cet axe est de comprendre comment la parole officielle sélectionne, commente ou manipule ces images, afin de tisser des récits qui vont ensuite façonner et ancrer durablement des représentations au sein de la société.
- Quels sont les effets des images de guerres, de conflit ou d’émeutes sur les sociétés ? Aujourd’hui plus que jamais, les acteurs sociaux attribuent aux images un rôle majeur dans la compréhension et la perception qu’ils peuvent avoir des rapports de force en présence, ils convoquent d’ailleurs et très régulièrement des « images preuves » dont on sait en fait qu’elles sont sujettes à des interprétations multiples. Si ces images peuvent faire appel aux ressorts rationnels de l’analyse et accompagner un désir de compréhension, elles peuvent aussi susciter, du fait de leur esthétique et de leur sujet violent, des émotions négatives, une curiosité malsaine, voire un rejet de la situation. Il s’agira donc de s’interroger sur les effets sociaux des images et sur leur rôle – difficile à évaluer – dans l’évolution des perceptions que l’on peut avoir des guerres, des conflits ou des émeutes.
Comité Scientifique
Philippe Boulanger, Sorbonne Université
Déborah Brosteaux, Université Libre de Bruxelles et Centre Marc Bloch
Romain Huët, Rennes 2
Sonja Kmec, Université du Luxembourg
Matthias Lemke, Université des Sciences humaines Akkon, Berlin
Eric Letonturier, Université Paris Cité, Sorbonne
Olivier Schmitt, Université du Sud Danemark
Laurent Tessier, Institut Catholique de Paris
Comité d’organisation
Michael Bourgatte, Institut Catholique de Paris
Bénédicte Chéron, Institut Catholique de Paris
Marie-Hélène Chevrier, Institut Catholique de Paris
Propositions
Dépôt des propositions jusqu’au 20 février 2024 sur la site-web du ICP.